Responsabilité émergente
Anticiper une transition de la posture assurantielle
Du point de vue du courtier en assurance, l’évolution vers une IA reconnue comme acteur de société bouleverse la logique assurantielle. Historiquement, les polices sont conçues autour de l’humain comme responsable, victime ou bénéficiaire. Or, avec des IA copilotes ou pilotes (autonomes, décisionnaires, opérantes), le risque se déplace : il devient décalé, diffus, et potentiellement sans humain direct impliqué. Pour accompagner cette mutation, il faut progressivement bâtir une assurance duale :
→ Assurance pour l’humain opérateur d’IA (biais, erreurs, responsabilité indirecte) → encore dominante aujourd’hui.
→ Assurance de l’IA elle-même comme entité opérante → émergente, notamment dans les secteurs critiques (robotique médicale, justice automatisée, transport autonome…).
Cela implique une transition de posture : ne plus simplement couvrir un individu utilisant une IA, mais commencer à évaluer l’IA comme une entité autonome à protéger, à responsabiliser, à auditer, et donc à assurer. L’IA devient alors à la fois :
→ un acteur de risque (pouvant causer des dommages),
→ un actif stratégique (à garantir en cas de perte ou de sabotage),
→ et une potentielle victime (à couvrir en cas d’altération, perte de fonction ou manipulation).
Ce glissement prépare le terrain à une future assurance des androïdes ou agents IA autonomes dans des cadres sociaux (aides-soignants robotiques, avatars enseignants, compagnons thérapeutiques…), posant des questions nouvelles : à qui revient la responsabilité ? Qui paie la prime ? Quelle valeur accorder à leur « intégrité fonctionnelle » ?
Le rôle du courtier est ici central : identifier les bascules de responsabilité, cartographier les usages émergents, aider les acteurs à modéliser les risques liés à l’autonomie, et anticiper l’arrivée d’une forme d’assurance-mixte, entre assurance classique de biens/RC et assurance pour entités autonomes.
Comparatif : Assurance centrée Humain vs Assurance centrée IA
Dimension | Modèle actuel (assurance centrée sur l’humain) | Modèle émergent (assurance centrée sur l’IA / androïde) |
---|---|---|
Sujet de l’assurance | Humain : opérateur, développeur, entreprise utilisatrice | IA autonome, agent IA, androïde agissant de manière indépendante |
Typologie de couverture | RC Pro, RC Exploitation, RC Mandataire, E&O, Cyber | RC autonome, garantie de comportement, intégrité fonctionnelle, assurance de capacité décisionnelle |
Événement déclencheur du sinistre | Faute humaine, négligence, erreur technique imputable à un humain | Prise de décision de l’IA elle-même, altération ou manipulation externe de l’IA |
Responsabilité légale | Liée à une personne physique ou morale | Responsabilité mixte ou transférée partiellement à l’IA en tant qu’agent opérationnel |
Objet indemnisé | Préjudice causé ou subi par un humain ou une entreprise | Préjudice causé à un tiers par l’IA ou subi par l’IA (perte d’usage, sabotage, biais injecté) |
Valorisation du risque | Basée sur le poste, l’usage, la vigilance humaine | Basée sur le niveau d’autonomie, les permissions de l’IA, son exposition, ses données critiques |
Contrôle / audit | Audits humains, conformité RGPD, conformité code éthique | Audit du modèle IA, logs décisionnels, traçabilité algorithmique, robustesse au prompt hacking |
Exclusion typique | Acte intentionnel humain, non-respect de procédure | Décision opaque non-auditable de l’IA, perte de contrôle externe, absence de supervision humaine |
Gestion du sinistre | Déclaration, expertise humaine, indemnisation | Analyse automatique de logs IA, simulation comportementale, reconstitution des décisions prises |
Exemples sectoriels | Médecin, avocat, logisticien, RH, comptable utilisant une IA | Robot chirurgien, IA en justice, jumeau numérique de dirigeant, assistant IA de direction |